Comment prier et méditer le chapelet ? II.

7 octobre 2020

MÉDITER L’ ÉCRITURE AVEC LE CHAPELET

 Les mois d’été, dont le sommet est le 15 août, fête de l’Assomption, sont un moment privilégié pour apprendre ou réapprendre à prier avec le chapelet. Nous nous laissons souvent « avoir par le temps » au cours de l’année. En priant paisiblement le chapelet, dans un endroit tranquille, dans une église ou une chapelle, simplement en marchant lentement, nous apprenons à « prendre le temps », donc à « avoir le temps ». Nous découvrons alors que le chapelet est une méthode étonnante de contemplation du Christ, de pratique de la « lectio divina » de l’Evangile. 

 Le chapelet est une prière de répétition. On redécouvre aujourd’hui la valeur de la prière de répétition. Nous en avons pour illustration le succès de « la prière à Jésus », chère à nos frères chrétiens orientaux, et répandue en occident par le livre « les récits d’un pèlerin russe ». Par la répétition, dont l’importance est soulignée par les psychologues, la prière pénètre peu à peu tout notre être, corporel et spirituel. C’est ce que réalise le chapelet. 

 Le chapelet est une prière biblique. On l’a appelé « le psautier de Notre Dame » ou « le psautier des pauvres ». De même qu’il y a 150 psaumes, il comporte 150 « Je vous salue Marie ». Le « Notre Père », qui ouvre chaque dizaine, nous vient du Christ. La première partie du « Je vous salue, Marie », ne l’oublions pas, est une prière faisant partie de la Parole de Dieu, puisqu’elle est formée des paroles adressées à Marie, par l’ange d’abord, puis par Elisabeth parlant sous l’inspiration de l’Esprit Saint. La deuxième partie, « Sainte Marie, mère de Dieu... », très ancienne, est la supplication qui jaillit spontanément des paroles inspirées de la première partie. 

 Plus qu’une prière mariale, le chapelet est une prière trinitaire. Chaque dizaine commence par le "Notre Père". En le disant, nous reconnaissons que l’œuvre de Jésus, et par le fait même la mission et la sainteté de Marie, ont leur source et leur fin dans le Père. Chaque « Je vous salue Marie » a pour centre et sommet Jésus, le Fils béni qui s’est fait homme en Marie par l’action de l’Esprit Saint. En priant pour nous, Marie veut nous partager ce qui a été sa seule passion à la suite de Jésus : la gloire de Dieu. C’est pourquoi chaque dizaine se termine par la glorification du Père, du Fils et du Saint Esprit. 

 Le chapelet est une méditation et une contemplation des Mystères du Christ, c’est-à-dire des moments les plus décisifs de l’œuvre de Jésus : son Incarnation, sa passion et sa mort ; sa glorification source de celle de Marie et de l’Eglise, représentée par Marie. Il est un chemin de connaissance et d’amour du Christ. Le cœur de notre foi est le Christ, venant du Père et retournant au Père, dans la communion de l’Esprit Saint.

 Marie ne prend pas la place du Christ. Parce qu’elle a été sa mère, elle est devenue sa première et sa plus grande disciple, la première et la plus grande chrétienne. Elle est désormais comme le livre vivant où nous pouvons connaître de mieux en mieux le Christ et la manière dont nous devons vivre de lui pour être son Eglise et ses disciples. Ce serait donc mal aimer Marie, et même l’offenser, que de la mettre au centre de notre foi, et de nous réclamer d’elle pour rester en marge de l’Eglise.

 La grandeur de Marie vient de ce qu’elle est celle qui a le mieux compris et vécu les Mystères du Christ. Elle est celle qui a eu les attitudes et les sentiments les plus justes envers le Christ dans ses Mystères. Elle a été impliquée directement dans certains de ces Mystères (l’Incarnation, la croix, la Pentecôte). Pour d’autres, elle les a vécus en étant sans cesse unie intérieurement au Christ qui les vivait. Après la Pentecôte, en participant à la vie de l’Eglise naissante, elle n’a cessé de progresser dans la compréhension de la richesse insondable du Christ. « Elle gardait et méditait tous ces événements dans son cœur » (Luc 2, 19 ; 2, 51). Maintenant qu’elle est dans la gloire, elle continue à pénétrer de mieux en mieux, dans l’action de grâce, la louange et la joie, le sens profond de la vie, de la mort et de la glorification de son Fils.

 La mission de Marie est toujours de nous dire : « faites tout ce qu’il vous dira ». Elle n’a rien d’autre à nous enseigner que l’Evangile. Elle veut uniquement nous apprendre à devenir de plus en plus chrétiens. Sa plus grande joie est de nous obtenir de connaître et d’aimer le Christ dans sa vie, sa passion, sa mort, sa glorification. Prier le chapelet, c’est connaître et intérioriser de plus en plus les Mystères du salut dans le Christ, en les contemplant avec les yeux et le cœur de Marie, en demandant inlassablement à Marie de nous obtenir de les connaître et de les intérioriser comme elle-même les a connus et intériorisés. Le chapelet est une manière de faire la « lectio divina » du Nouveau Testament, et de parcourir toute l’année liturgique depuis l’Incarnation jusqu’à l’accomplissement de l’Eglise dans la cité sainte, la Jérusalem céleste, la demeure de Dieu parmi les hommes dont Marie glorifiée est la mère et l’image (cf. Apocalypse 21). 

 Comment faire cette méditation ? Avant le « Notre Père », nous énonçons le Mystère, en lisant ou en nous remémorant un petit passage du Nouveau Testament, surtout des Evangiles. Puis, dans une courte invocation, nous demandons à Marie de nous apprendre à comprendre et à vivre comme elle et avec elle le Mystère de Jésus que nous méditons. On peut dire par exemple : Obtenez-nous, Marie, « de pénétrer de plus en plus avec vous le Mystère de l’Incarnation, et d’avoir les sentiments et l’attitude qui ont été les vôtres à l’Annonciation », « de mieux comprendre ce qui s’est passé en vous à la Visitation et de savoir comment louer Dieu de ce qu’il a accompli », « de méditer comme vous l’agonie du Christ et de souffrir du poids du péché qui a pesé sur lui », « d’accueillir comme vous la grande nouvelle qu’a été la résurrection de Jésus et de partager la joie qui a été la vôtre », etc. Nous pouvons ajouter telle intention en rapport avec le Mystère médité. Nous pouvons en même temps regarder une belle image ou un beau tableau du Mystère médité (l’annonciation, la visitation, la nativité, etc.).

 Une autre manière de prier le chapelet est ancienne. Elle consiste à nous arrêter au milieu de chaque « Je vous salue Marie », pour nous rappeler le Mystère, en disant par exemple : Jésus, le fruit de vos entrailles est béni, « lui qui a été conçu en vous du Saint Esprit », « lui que vous avez porté à Jean Baptiste », « lui qui est né de vous à Bethléem », « lui qui a souffert l’agonie », « lui qui est ressuscité des morts », « lui qui vous a glorifiée », etc. Avant de poursuivre « Sainte Marie, mère de Dieu... », nous pouvons renouveler à Marie notre demande de nous aider à comprendre le Mystère médité et de nous obtenir sa foi, ses sentiments et son attitude face à ce Mystère. Ainsi à chaque « Je vous salue Marie », nous nous remettons devant le Mystère médité. La contemplation d’une image ou d’un tableau représentant le Mystère médité est une aide précieuse pour pratiquer cette méthode.

 Essayons de prier le chapelet selon cette deuxième manière lorsque nous le disons seuls ou dans un tout petit groupe. Il faut pour cela le prier calmement, sans nous presser, en prenant notre temps. Si nous ne pouvons pas le dire en entier, prions une ou deux dizaines. Prier ainsi le chapelet de temps en temps nous aide à mieux le dire quand nous le prions avec d’autres selon la manière habituelle. 

 Si nous prions avec le chapelet, nous saurons comment prier partout et toujours, même quand nous n’avons pas de livre de prière, même quand nous sommes incapables de trouver des mots pour prier. Dans les temps de fatigue ou de maladie, laissons simplement les grains glisser entre nos doigts en nous arrêtant un moment à chacun d’eux. Quand nous sommes auprès d’un mourant sans savoir que dire pour prier, il nous reste le chapelet. Marie elle aussi a été auprès d’un mourant, son Fils. En regardant Marie au pied de la croix alors que nous disons les mots du chapelet, nous entrons peu à peu dans les sentiments et l’attitude qui ont été les siens à ce moment-là. 

 Monseigneur Raymond BOUCHEX